À celui de 14 à celui de 39
Léo Ferré
À celui de 14 à celui de 39
Et puis de l'an 40
À celui du Chili à ceux de l'Algérie
Aux Juifs déracinés qui fuient la Palestine
À ces Palestiniens comme un arbre coupé
Vingt ans déjà petit la mer toujours revient
De plus loin que là-bas les oiseaux blancs dévorent
Ce qu'il reste de suc à l'azur quotidien
Tu pars demain levant tes bras de sémaphore
Tu pars soumis défait boutonné de métal
Ta maman au poignet battant le pouls du diable
Tu as dit au revoir aux grèves syndicales
Aux copains au ciné aux filles charitables
Tu sais que l'homme pousse et qu'il faut le couper
Quand il est encore vert dans le lit des délices
Comme on coupe les plombs de l'électricité
De peur que dans la nuit vos Soleils n'y complicent
La loi donnera des morts et du café
À la Seine
Léo Ferré
Voyant tes remous, tes ressacs
Tout au long du quai rectiligne
Un moment, je t'avais crue digne
De m'écouter vider mon sac
Tout comme on parle dans l'oreille
D'un chien, compagnon de malheur,
Quand on n'a pas assez d'oseille
Pour s'approprier la blondeur
D'une fille à la peau bien tendre
Qui fait bien semblant de comprendre
Et vous vend un peu de douceur,
J'allais te confier mes alarmes,
Mes fatigues et mes regrets
C'est bête à dire, j'étais prêt
À te grossir de quelques larmes
Contenues depuis trop de jours
Et d'amertume bien salées
Mais ta flotte s'en est allée
Insensible, suivant son cours
Roulant au pied de l'escalier
Tant de mètres cubes à l'heure
Tu t'en fous qu'on vive ou qu'on meure
T'es plus bête qu'un sablier !
C'est normal, t'es un personnage,
Ta place est faite au grand soleil
Les hommes et toi, c'est tout pareil
Y a pas de pitié qui surnage
T'es vaseuse dans ton tréfonds !
Et je m'en vais, adieu la Seine !
Tu sais, avant que je revienne,
De l'eau coulera sous tes ponts !
Sem comentários:
Enviar um comentário